Je pense que personne ne sera étonné si j’écris que j’ai été élevé dans un contexte hétéronormé, capitaliste, patriarcal. Petite explication de terme tout de même. Hétéronormé signifie que la norme, sous entendu ‘à suivre’ ou ‘pour laquelle la société est facilitante’, est qu’une relation est composée d’une personne genrée de manière masculine (de préférence avec des organes génitaux masculins, je n’ai pas mis transphobe mais c’est aussi le cas) et d’une personne genrée de manière féminine. Si ce n’est pas le cas, alors ce n’est pas normal pour mon entourage, avec tout ce que cela implique d’incompréhensions, jugements voir pire. Le terme capitaliste est ici utilisé au-delà de sa valeur économique, bien qu’en rapport, pour souligner le fait que tout le mode de pensée qui ma été enseigné l’est à la lumière de ce type d’analyse : si quelque chose n’est pas quantifiable, valorisable avec des chiffres associable de préférence à un individu ou groupe d’individus (humains) alors il n’est pas digne d’intérêt. Le mot patriarcal désigne ici le fait que dans l’univers qui m’a été présenté comme légitime l’homme dispose de plus de privilèges que la femme (il y a bien sur d’autres catégories qui accentuent ou pondèrent ceux-ci mais il est considéré que les humains sont divisés en deux genres, le masculin l’emportant sur le féminin). Je précise au besoin que dans mon cas j’accumule en plus le fait d’appartenir à un milieu social favorisé et une race qui est considérée comme plus légitime sur la planète que d’autres (je caricature, tout est plus complexe, mais l’idée est majoritairement celle ci).
Ce contexte ne m’a pas vraiment aidé à être ouvert d’esprit face à la différence, au contraire. Dans les années quatre vingt l’arrivée du SIDA, qui est parfois associé à une punition divine contre les homosexuels (et les personnes racisés tant qu’à généraliser et stigmatiser), correspond à l’émergence de la plupart de mes pulsions sexuelles. Pulsions qui ne s’expriment pas autrement que par le biais de la masturbation, n’étant pas vraiment extraverti. Je suis au courant qu’il y a des orientations sexuelles ou amoureuses différentes de celles que je considèrent comme miennes mais celles-ci me dégoûtent, me dérangent, sont associées à une notion de saleté que je ne prends pas la peine d’analyser. Je sourie ou rie des remarques homophobes de mon entourage, rejetant en bloc la possibilité même que je puisse même m’y intéresser en théorie. Mon désir ne serait souffrir la moindre remise en question, je sens bien que le moindre doute sonnerait le glas du peu de sociabilisation que j’arrive à maintenir au prix d’efforts surhumains.
Il y a bien parfois quelques exceptions qui bousculent mes préjugés comme lorsque j’apprends que mon meilleur ami au lycée est homosexuel et que je n’ai aucune intention de changer mon regard sur lui et ses qualité, le trouvant au contraire bien plus épanoui désormais. Ces soirées passées en compagnies des amis homosexuels de la famille que je suis en train de fonder où l’exubérance de montrer sa différence à l’occasion de soirées de débauche le côtoie avec le vécu difficile de la peur perpétuelle d’être rejeté par ses pairs, sa famille, leurs amis, si jamais ils ne maîtrisent pas leur image. Il y a le parrain de mon second enfant qui s’assume totalement et dont la simplicité d’affichage de sa nature force à reconsidérer le fait que ça soit la société qui soit inadapté à son existence au sein de celle-ci et non l’inverse. Mais ces exceptions sont exogènes, elles modifient ma perception de l’extérieur, l’enrichissent sans pour autant nécessiter que je me me questionne sur mes actions et mes choix (mes pensées et paroles ne posant pas de problème à évoluer, j’ai une certaine facilité la dessus, désolé pour la constance).
Lorsque je sors de l’explosion de toutes mes valeurs avec mon divorce je décide d’interroger cette partie de moi que je n’ai jusqu’alors jamais laissé s’exprimer. Cette part très féminine de ma personne que je cache depuis ma plus tendre enfance, ce malaise lorsque je suis en présence d’individus débordant de testostérones, ce dégoût envers la mise en valeur d’une virilité débile comme symbole de ma masculinité. Je garde du texte pour mes expériences tantriques et autres mais c’est dans des ateliers à priori sans liens avec le sujet que je suis amené à expérimenter des pratiques pas si anodines que ça en rentrant en contact pour la première fois avec des corps nus de possesseurs de pénis, en explorant le plaisir prostatique avec une partenaire enthousiaste (et pas culpabilisante comme ce fut le cas auparavant), en dansant ou laissant s’exprimer une sensibilité refoulée depuis… Longtemps.
Je me rends aussi pour la première fois à la Gay Pride de Lille. Soutenir en parole et pensée est une chose mais se déplacer à la manifestation en est une autre. Je découvre alors un autre monde beaucoup plus diversifié que tout ce que j’avais imaginé. En explorant les milieux polyamoureux je suis en contact avec le milieu Queer de la capitale des Flandres qui me permet de découvrir encore plus de nuances dans les expressions de genre ou d’orientations relationnelles. Quelques soirées dans les strates de l’univers BDSM du Nord m’apportent encore plus de références et de couleurs d’acceptation et d’accueille des différences. A ce stade de ma vie j’ai compris qu’il ne s’agissait plus de parler de tolérance de la différence car ce terme sous entends un jeu de pouvoir relativement évident.
C’est dans la continuité de cette balade que je me rends en Février 2019 au salon LGBTQ+ qui se tient dans une salle des fêtes de Lille, proche du théâtre Sébastopol. Je me sens de plus en plus à l’aise dans cet environnement. Je passe un autre cap en découvrant les relations physiques avec ceux de mon genre. Je te passe la partie où je décide de colorer ma vie dans tous les sens (habits, maquillage, expressions diverses et variées) pour en arriver à aujourd’hui. Aujourd’hui la communauté LGBTQ+ a tout mon soutient, en action comme en paroles et pensées, ainsi qu’un peu de représentativité via certains de mes écrits (je ne suis pas certain que ça aide mais l’intention c’est ça).
S’il est intéressant d’avoir du croustillant sache qu’actuellement j’ai tendance à répondre ‘pansexuel’ quand on m’interroge sur mon orientation sexuelle, résultat de mes rencontres et expériences, de ma sensibilité du moment. Je me sens épanoui comme ça et plus libre d’assumer mes envies, désirs, fantaisies, élans vers maon prochaines s’iel est enthousiaste aussi.